Le texte

                             

                             Ceux qui Tombent




Ce texte a reçu les Encouragements du Centre National du théâtre (dans le cadre de l'Aide à la création) 

C'est histoire d'une fille, Ophélie, qui s’adresserait à son public comme à son miroir pour parler de la séparation, de la solitude suite à la mort de son frère, Pierre. Dans son histoire, les mots redonnent vie à Pierre, celui qui n'a jamais vraiment été là. Puis d'autres figures du passé ou de son imagination surgissent _ comme des miroirs d'elle-même _ et perturbent le récit qu'elle tente de livrer au public. Ophélie paraît perdre pied, sombrer dans la folie, se perdre dans les rêves et les illusions. Grâce à cette histoire, Ophélie parvient à créer des liens autour de l'expérience de la perte et se recréer à travers lui. Son témoignage revêt cette fonction de guérison, comme un fil tissé entre elle et le monde.


Extrait du texte :

Ophélie (au public) :  Je reprends la parole. Je n'ai pas tout à fait fini. Il y a un moment particulier dont je veux parler. C'est le premier réveil après la fin. Je m'allonge pour vous montrer.

Elle s'allonge.

Ophélie (au public) : J'espère qu'en imitant la forme le reste viendra. Ou plutôt j'espère que le reste ne viendra pas parce que je ne veux pas mourir à nouveau. Ce matin là, le lendemain, mes yeux s'ouvrent et je suis jetée dans un mauvais scénario. Je me réveille, je porte un sac de pierres sur la poitrine. Ça n'est pas confortable.

Elle se lève avec la sensation de lourdeur dans la poitrine.

Il y a des gens qui sont venus me voir. Qui sont venus me voir chez Pierre. Pour m'aider. Pour ranger le passé dans des boîtes. J'entends leur voix. Ils me disent que tout va s'alléger, mais la personne qui m 'a attaché le sac m'a oublié.
Ils me disent de manger, on a même préparé un petit déjeuner avec des fruits pressés, je me souviens qu'il y a du kiwi dedans, ça fait des grains noirs et une couleur verdâtre. Je mange mais je pourrais tout aussi bien vomir ou mourir, ce n'est plus important, je flotte. 

Des gens entrent. Ophélie les désigne.

Ophélie (au public) : Ces gens m'ont expliqué comment selon eux, ça allait se passer.

Pendant qu'ils parlent, les gens rangent les affaires de Pierre dans des cartons, en emportent certains, comme des déménageurs.

Les Gens :  Ça va aller de mieux en mieux.
Ophélie (au public): Je souris mais je ne crois pas  que ce soit vrai. 
Les Gens :  Au début tu passes par la phase de négation, puis d'abattement, enfin vient la colère. C'est dur mais c'est bien quand vient la colère, ça veut dire que tu as bientôt fini ton deuil. Tu en es où là?
Ophélie :  Je ne ressens rien.
Les Gens :  Si si, là c'est l'abattement, c'est évident, mais  c'est bien, tu es déjà bien avancée.
Ophélie : Merci.
Les Gens : Tu sais si il est mort, c'est que quelque part il ne voulait plus vivre.
Ophélie : Oui, c'est vrai.
Ophélie (au public) : Mais ça n'a pas été mieux du tout. Ça a même été même pire que ça. J'attendais tout le temps que ça aille mieux, mais Mieux n'est jamais venu, c'est Autre Chose qui est venu.

Les Gens sortent.
Ophélie (au public) : J'attendais tout le temps que ça aille mieux, mais Mieux n'est jamais venu, c'est Autre Chose qui est venu.
Autre Chose : voilà Autre Chose c'est moi. Je n'ai pas été très bien accueilli.
Ophélie : Oui, je ne te connaissais pas, j'attendais Mieux.
Mieux : Oui désolé, je me suis fait attendre, j'étais pas mal sollicité, j'avais beaucoup de rendez-vous, et après je me suis pris des vacances.
Autre Chose: Pour moi ça n'est jamais évident, les gens m'ignorent. On ne me reconnaît jamais.
Ophélie : Comment pourrait on te reconnaître? Tu es le parfait inconnu.
Ophélie (au public) : Dit comme ça, c'est drôle, mais attendre quelque chose qui ne vient pas c'est un peu mourir.
Mieux: Je suis désolé.





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